Une femme habille son petit garçon d’une combinaison de spationaute pour le faire passer de l’autre côté d’un trou noir où elle lui affirme qu’il existe une planète recouverte de forêts. L’enfant se retrouve alors à des millions d’années-lumière de la Terre, dans cet autre monde et part, accompagné d’un vieil homme et d’une garde forestière, à la recherche d’un pays légendaire où n’existerait ni la violence ni la dévastation et que sa mère appelle « le pays innocent ».

 

Fable écologique, le pays innocent parlera d’une renaissance possible et des alternatives réelles et imaginaires au catastrophisme ambiant et à la dévastation écologique.

Comment vivre dans un monde abîmé ? Comment rester vivant ? Comment laisser ouvert le monde pour celles et ceux qui viendront ?  Y a-t-il une issue à la dégradation du vivant ? Que pouvons-nous faire qui ne soit pas synonyme de destruction ? Et si cette femme disait vrai ? Et si elle avait véritablement sauvé son enfant ?

Le pays innocent s’inscrit dans cette recherche d’un théâtre entre rêve et réel agençant plusieurs formes littéraires et théâtrales (récits, dialogues, poèmes, fragments) en dialogue constant avec la création musicale, la composition et la création sonore.

Le travail scénique se situera à cet endroit de friction entre le réel et l’imaginaire, entre le social et l’onirique, entre ce que nous décrétons être la réalité et la folie. Nous travaillerons théâtralement à brouiller peu à peu totalement les espaces, entre imaginaire, réel et symbolique.

Les trois écologies dont parle Felix Guattari, l’écologie mentale, l’écologie environnementale, l’écologie sociale, sont des axes majeurs pour nourrir cette écriture et me permettent de percevoir comment – pour paraphraser Annie Le Brun – la dévastation de la forêt amazonienne est en lien avec la déforestation de nos imaginaires. Les questions par ailleurs sociales, d’appauvrissement de nos expériences sensibles, seront présentes.

Le pays innocent questionnera et le rapport que l’on entretient aux origines et à la descendance, à ce que nous projetons de nous-mêmes dans le monde qui vient et nos tentatives pour continuer d’inventer des espaces de lutte et de vies, dans une uniformisation de nos modes de vies.

 

Extrait

C’est aujourd’hui que je vais passer de l’autre côté du trou noir. Maman dit que le voyage sera long mais je n’ai pas peur. J’ai mis ma combinaison de spationaute et j’ai mangé mes pastilles d’iodes avec le lait et les corn flakes. J’attends que la porte s’ouvre. Maman regarde par la fenêtre. Il y a des petits nuages qui s’effilochent dans le ciel bleu au-dessus du stade et des immeubles. Le soleil pâle grimpe doucement à l’horizon mais la porte n’est pas encore apparue. Maman a peur qu’elle ne s’ouvre pas. Elle ne dit rien mais je le comprends dans la manière qu’elle a de tourner en rond dans le salon, de s’asseoir et de se lever, de me crier dessus pour que je range mes affaires. Je sais bien moi qu’il n’y a pas à s’inquiéter, que la porte s’ouvrira, que je passerai de l’autre côté et que nous serons sauvés. Mais ma mère s’inquiète, c’est comme ça, elle s’inquiète toujours, elle est angoissée, c’est sa passion. Elle a toujours peur pour moi. La nuit elle se réveille et elle vient vérifier si je respire. Elle aurait préféré, je crois, que je reste dans son ventre, protégé, intact, inaccessible. Elle s’inquiète de tout, ma mère, des poux dans mes cheveux, de la température de mon front, des enfants difficiles dans la cour de l’école, elle les regarde de loin et elle rêve de grandes prisons dont ils ne pourraient plus jamais sortir pour me faire du mal. Elle s’inquiète des voitures et des motos, des dealers devant chez nous, des cambriolages. Et elle s’inquiète de la pollution des radiations et de l’étanchéité de ma combinaison spatiale. Tous les matins, je mange mes pastilles d’iode. Elle regarde par la fenêtre. Il n’y a toujours rien. La porte va s’ouvrir maman et tu me rejoindras bientôt quand tu auras enfin reçu une combinaison à ta taille. Je suis ton éclaireur. Et quand le vent se lève, quand la porte s’ouvre soudain dans l’air avec le vent, je respire, je baisse ma visière, j’allume ma radio embarquée, je regarde le petit appartement – au revoir chez moi – au revoir toutes mes choses – au revoir je pars de l’autre côté du trou noir – et je prends maman dans mes bras.
- Tu es prêt mon petit spationaute ?
- Oui.
- 3-2-1

 

Samuel Gallet | Le Collectif Eskandar

Création 2024 LE COLLECTIF ESKANDAR (CAEN)

Texte et mise en scène
Samuel Gallet

Avec
Gauthier Baillot, Fabien Chapeira, Olivia Chatain, Caroline Gonin, Nadia Ratsimandresy, Mathieu Goulin.

Musique
Nadia Ratsimandresy et Mathieu Goulin

Son
Fred Bühl

Scénographie et costumes
Aude Vanhoutte

Lumière
Ivan Mathis

Dramaturgie
Pierre Morice

Photographie
Dan Ramaën

Administration
Marie Kermagoret (lecollectifeskandar@gmail.com) 

Diffusion
Olivier Talpaert (En votre compagnie)
oliviertalpaert@envotrecompagnie.fr

Production :

Les Quinconces & l’Espal (Scène Nationale du Mans)

DSN (Scène Nationale de Dieppe)

L’Arc ( Scène Nationale du Creusot)

Le groupe des 20 Théâtres en Île de France (projet lauréat 2023)

Le Théâtre de Rungis

Théâtre des Bergeries, Noisy-le-Sec

DIFFUSION :

Les Quinconces & l’Espal (Scène Nationale du Mans)

DSN (Scène Nationale de Dieppe)

L’Arc (Scène Nationale du Creusot)

Le TMG (Théâtre Municipal de Grenoble)

Le Théâtre de la Joliette de Marseille

Les 20 théâtres du Groupe des 20 en Île de France

Les Scènes Nationales du Jura