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UNE POLYPHONIE
Tout ce qui reste à venir raconte l’histoire des villages situé au bord d’un marais — et de celles et ceux qui y vivent.
Suite à la fin de l’exploitation industrielle, d’une grande tourbière et de l’arrêt des pompages d’eau, ce territoire va partiellement changer. Les terres seront inondées, d’autres usages devront être inventés.
Certains habitants se résignent, d’autres refusent, d’autres encore imaginent qu’il s’agit d’un mensonge ou d’un vaste complot contre leur mode de vie.
Les espaces se transforment, les modes de vie changent, le passé disparaît mais l’avenir reste complètement incertain.
À partir de rencontres menées pendant une année auprès des habitant-e-s de tous les âges, de performances textuelles et musicales, et d’un dialogue avec des scientifiques autour des enjeux des transitions climatiques, Samuel Gallet et le collectif Eskandar proposeront une pièce chorale et polyphonique où se feront entendre les tensions politiques contemporaines.
Entre deuil et espérance, lucidité et attachement, fin d’un monde et naissance d’un nouveau.
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Note d’intention
« Un risque terminal peut être défini comme un risque dont la réalisation de l’aléa contraindra un collectif à faire le deuil pan-générationnel d’une partie significative de son potentiel, de la valeur, des valeurs, de long terme que l’on attend, ou que l’on espère (expected value). Il s’agit de situations où existe une menace de perdre définitivement ses modalités d’être au monde, matérielles et immatérielles. »
Jean-Paul Vanderlinden (Épisodes cosmologiques et risques existentiels)
« Chaque conversion du monde connaît ces déshérités qui ont perdu leur passé et n’ont point de part en ce qui est à venir. »
Rainer Maria Rilke (Septième élégie de Duino)
Depuis plusieurs années, nous travaillons sur les récits de transition : que signifie vivre dans un monde abîmé? Assister à la disparition de ce que l’on connaissait ? Quels chants, quels récits nouveaux récits naissent de ces bouleversements ? Que signifie être confronté-e à ces situations « où existe une menace de perdre définitivement ses modalités d’être au monde, matérielles et immatérielles. » comme l’écrit Jean-Paul Vanderlinden. Comment faire le deuil d’un monde qui n’existera plus dans celui qui viendra ? Et dans lequel pourtant on aura tout vécu?
Après le pays innocent et conjurations, grâce un financement du programme ERABLE, « Tout ce qui reste à venir » s’inspirera de rencontres menées sur le territoire du Cotentin et du Bessin, autour du projet de restauration de l’ancienne tourbière de Sèves, en collaboration avec les scientifiques d’Art Sèves.
Comme chez Svetlana Alexievitch, dont les œuvres (notamment La fin de l’homme rouge) tissent des polyphonies humaines à partir de témoignages, nous souhaitons composer une fiction qui s’inspirera des voix d’un territoire en mutation.
Ce projet naître de regards d’artistes, d’habitant-e-s et de scientifiques : pour interroger ce que signifie vivre dans un monde abîmé, et ce qui peut renaître sur les ruines de l’exploitation passée.
Dans la continuité de nos précédents travaux, cette création, nourrie par les sciences et les expériences de terrain, après une résidence d’un an dans le Cotentin s’inscrit dans une réflexion sur l’avenir habitable et sur les formes sensibles d’une société à venir.
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La forme
Créé pour pouvoir être proposé et en salle et en itinérance dans les salles des fêtes des communes du Cotentin et du Bessin, le spectacle prendra la forme d’une veillée, un dispositif scénique intime, réunissant cinq interprètes et les spectateurices.
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Le pôle dramaturgique art-sciences
Ce spectacle nait d’une collaboration avec une équipe de scientifiques dans le cadre du projet ARTSÈVES autour de la reconversion de la tourbière de Sèves.
La tourbière de Sèves, située sur sept communes du Parc naturel régional, fut exploitée industriellement depuis 1946. En 2021, l’État en a annoncé la fermeture. Depuis, un vaste projet de reconversion accompagne la montée des eaux et la création d’une Réserve naturelle nationale, pivot d’un nouvel équilibre écologique.
Le projet ArtSèves soutient cette reconversion en associant sciences, arts et habitants.
Il vise à mettre en récit les transformations en cours et à engager le territoire dans une dynamique de réflexion et d’action « en faveur du vivant ».
Le texte s’écrira après une année de travail dans la région auprès des habitants concernés par cette grande transition et en lien étroit avec les scientifiques autour des questions de risques existentiels.
Le travail de dramaturgie, de documentations et d’échanges avec des sociologues et des biologistes nourrira l’écriture de cette polyphonie originale qui fera entendre ce que signifie vivre dans un monde en transition.
EXTRAIT
« C’est une histoire ancienne. Une histoire compliquée. Une histoire ancienne, compliquée et complexe et c’est bien que vous restiez neutre. Je vous le dis parce que vous n’imaginez pas à quel point c’est compliqué et même si c’est sympa de votre part de venir quelques jours comme ça depuis la grande ville pour écouter nos histoires, c’est sympa même que je l’ai dit à Monsieur Morice, mais après vous allez repartir, non ?, vous n’allez pas repartir, si ? et donc c’est certain que vous n’aurez pas compris grand-chose. Vous n’imaginez pas à quel point c’est compliqué et complexe la vie ici entre les humains. C’est pas blanc ou noir. C’est pas les méchants ou les gentils. C’est pas les fachos ou les écolos. C’est pas aussi simple. Alors c’est bien que vous restiez neutre. Pour comprendre, moi, je vous le dis, il faudrait que vous puissiez vivre ici. Mais même si vous viviez ici, il faudrait rester longtemps. Pour comprendre, il faut avoir passé des hivers et des étés, avoir eu froid et chaud, avoir marché des heures dans l’humidité des marais, voir les murs s’affaler lentement dans la terre spongieuse, s’émerveiller de la beauté des marais blancs ou secs en fonction des saisons. Pour comprendre, il faut être resté dans les chambres dans les maisons, écouter les histoires dans les cuisines et les cours, voir les naissances et voir la mort venir. Et même si vous compreniez parce qu’après tout c’est possible de comprendre un peu, il faudrait alors ressentir, il faudrait plonger dans les marais et rester dans les marais des nuits entières et écouter toutes les vies des petits villages, toutes les vies, toutes les histoires de famille, compliquées et complexes, et même là, vous ne pourrez pas tout comprendre. Vous aurez des réponses rationnelles et compréhensibles et peut-être que vous serez d’accord avec untel ou unetelle et peut-être même que vous aurez raison, mais pourtant vous ne pourrez toujours pas tout comprendre. Parce qu’il faut pour cela descendre vers la terre profonde et savoir ce que ça veut dire d’avoir été enfant ici, ce que ça veut dire d’avoir été pauvre dans les marais, d’avoir vu les familles des dizaines d’enfants, mourir de faim, d’avoir connu la solidarité dans les villages, les gestes de solidarité et la beauté et la noirceur aussi du cœur humain. Il faut avoir écouté les saisons passer, les lentes années recouvrir les souvenirs, la mémoire et l’oubli. Alors peut-être que vous entrerez dans la compréhension, qui est un espace compliqué, un terrain complexe et ancien, mais peut-être que vous pourrez alors comprendre enfin, un petit peu. Soyez les bienvenus. »



PHOTOGRAPHIES : DAN RAMAËN : https://ramaen.com

Création 2026 LE COLLECTIF ESKANDAR (CAEN) Dans le cadre du Projet ARTSEVES (PROGRAMME ERABLE) à partir d’échanges avec les scientifiques d’ArtSèves autour de la réhabilitation de la Tourbière de Sèves
Conception et mise en scène Samuel Gallet
Coordination générale : Pierre Morice
Administration de production: Marie Kermagoret
Textes : Samuel Gallet en collaboration avec Julie Aminthe et Pierre Morice
Conseil scientifique : Charlotte Da Cunha / Jean-Paul Vanderlinden / Sebastien Gogo / Simon Chollet
Avec Julie Aminthe, Lola Calvet, Samuel Gallet Mathieu Goulin et Pierre Morice
Musique : Lola Calvet et Mathieu Goulin
Son : Fred Bühl
Scénographie : Aude Vanhoutte
Lumières : Martin Teruel
Régie générale : Xavier Libois
Photographies : Dan Ramaën
Diffusion
Olivier Talpaert (En votre compagnie)
oliviertalpaert@envotrecompagnie.fr
Production :
Le collectif Eskandar
Programme ERABLE
Parc naturel régional des Marais du Cotentin et du Bessin
Partenariat en cours ( Le Trident – Scène Nationale de Cherbourg)

